Image de Danse hip hop : France 2015
Image de Danse hip hop : France 2015

Danse hip hop : France 2015

Par McCarren Felicia

Extrait de « Visibilité minoritaire et chorégraphie hip hop: France 2015 »
De Chorégraphie Contemporaine; Un lecteur critique
Ed. Jo Butterworth et Liesbeth Wildschut

McCarren Felicia
Routledge, 2018

Janvier 2015 a également été l’occasion de réaffirmer ce qui pourrait sembler être les convictions naïves du hip-hop en tant que pratique communautaire et artistique en France reliant les quartiers défavorisés à la citoyenneté et à la participation via des programmes et des spectacles de danse de la République. Depuis vingt-trois ans, le festival Suresnes Cités-Danse qui se déroule dans l’élégant théâtre Art Déco de l’une des banlieues historiquement communistes de la soi-disante «ceinture rouge» autour de Paris, propose aux danseurs et chorégraphes hip-hop de travailler ensemble sur une grande scène. Les premières bourses ont été accordées aux chorégraphes américains Rennie Harris et Doug Elkins. Le directeur du théâtre Olivier Meyer a financé des chorégraphes français de danse contemporaine pour travailler avec des danseurs hip hop afin élargir leur vocabulaire de mouvements. Au fil du temps, le hip-hop a produit ce que l’on pourrait appeler ses propres chorégraphes «indigènes», qui tirent leurs chorégraphies d’une base hip hop mais qui ont travaillé pour ne pas se limiter à cela. Les danses, comme les danseurs, dépassent les banlieues.

Même sous la forme de concert en France, dorénavant développée depuis des décennies par des festivals et des programmes comme Suresnes, le hip-hop reste une forme de danse visiblement minoritaire. Au début du hip-hop, il était toujours indiqué que lorsqu’un danseur s’était formé tout seul , cela qui signifie qu’elle ou il n’avait pas de diplôme de danse, sans parler de tout autre type de diplôme. Ce problème de cours de danse nous a échappé aux États-Unis, dès le moment où nous n’avons pas souvent vu la scolarité aussi importante pour le profil ou les prouesses d’un danseur. Le groupe majoritaire-minoritaire dansant le hip-hop en France sont ceux aux États-Unis que nous pourrions appeler les jeunes hommes de couleur, le plus souvent d’origine africaine ou nord-africaine, moins souvent d’origine asiatique ou sud-asiatique. S’il est illégal de collecter des statistiques sur la race en France, le hip-hop est étroitement associé à l’expression minoritaire et au multiculturalisme qui, en Europe, est identifiée à l’immigration et à la diversité ethnique des classes populaires et des banlieues. Évoquant ses racines dans la culture du centre-ville américain et le melting-pot de la politique identitaire anglo-saxonne, le hip-hop français a réussi à négocier un espace de diversité sans mobiliser de statistiques. En tant que forme chorégraphique, elle permet aux danseurs de présenter leurs différences en tant que minorités visibles, mais aussi de danser au-delà de ces différences en tant qu’artistes reconnus par les structures artistiques locales, régionales et nationales. Les danseurs français que j’ai interviewés ont toujours exprimé leur surprise que leurs prédécesseurs américains, à qui ils attribuent la création de cette danse, n’aient jamais reçu une telle reconnaissance.

Ces dernières années, alors que la danse urbaine est devenue plus visible et plus importante sur la scène de la danse à l’échelle nationale et internationale, le financement des cours et des ateliers de danse hip hop dans les zones urbaines mal desservies s’est arrêté ainsi que de nombreux programmes périscolaires, bénévolats et les tutorats pour les jeunes des quartiers pauvres. Pendant ce temps, les chorégraphies hip-hop françaises ont été visionnées sur les grandes scènes du du monde entier, alors que des compagnies mêlant danse moderne et vocabulaire hip-hop ont voyagé pour représenter le patrimoine culturel français. Les champions du hip-hop français sont issus de compétitions internationales et sont toujours connus des break dancers qui assistent parfois à mes conférences sur le hip-hop aux États-Unis. De mon public américain, j’entends également des commentaires selon lesquels le hip-hop français, qui est financé par des institutions publiques, a perdu le bord de l’énergie pure du monde urbain sous-privilégié, bien que de nombreux danseurs du hip-hop français le contesteraient.

Bien que j’ai pu écrire sur des danseuses de hip-hop telles que Stéphanie Nataf, Yiphun Chiem et Delphine Caron, la plupart des bourses sont dédiées aux hommes. À Suresnes en 2015, l’un des programmes faisant la promotion du hip hop lors de courtes séquences, les Cités-Danse Connexions (# 3), présentaient des interprètes féminines dans deux représentations sur trois, alors qu’il en avait qu’une seule en tant que chorégraphe, Sandrine Lescourant alias «Mufasa». La première chorégraphie de Lescourant, Parasite, a été dansée par cinq femmes, dont elle-même. Les femmes deviennent de plus en plus visibles dans les chorégraphies et compagnies de hip hop. Dans certains groupes de hip hop suivis pendant des années par la sociologue Isabelle Kauffmann, les jeunes femmes des communautés minoritaires ont arrêté de danser suite à leur mariage constate Isabelle Kauffmann, Génération du hip hop. Danser au défi des affectations (thèse de doctorat, Université de Nantes, 2007).

McCarren Felicia

Au fil du temps, le hip-hop a produit ce que l'on pourrait appeler ses propres chorégraphes «indigènes», qui tirent leurs chorégraphies d'une base hip hop mais qui ont travaillé pour ne pas se limiter à cela. Les danses, comme les danseurs, dépassent les banlieues.

McCarren Felicia