Portrait de Will Cotton
Portrait de Will Cotton

Will Cotton

Peinture

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À l’instar des grandes peintures d’un Cabanel peignant Vénus ou d’un Boucher dévoilant des corps lascifs et indolents, Will Cotton décrit avec extrême précision et réalisme pointilleux, un monde onirique où femmes se mêlent à des paysages de friandises. Ses utopies révèlent des mondes à part où le désir sous-jacent mais à jamais inassouvi questionne la notion de plaisir. 

Toujours dans cette célébration permanente d’un univers fantasmé, le peintre new yorkais dévoile à Bruxelles, à la galerie Templon, une exposition inattendue, « Le Cowboy apprivoisé », explorant et dépassant le manichéisme simpliste des modèles de genres.

Quand vous est venu l’envie de peindre ?

Lorsque j’étais très jeune, je voulais avoir de l’art sur les murs de ma chambre. Je ne pouvais, bien sûr, rien acheter, alors je me suis procuré des aquarelles et j’ai commencé à peindre.

Vous êtes passé d’un travail en plein air à un travail en studio. Est-ce que cela a changé votre façon de travailler ? Ou au contraire, êtes-vous venu au studio car vous aviez modifié votre technique ?

Lorsque j’étais étudiant en art dans les années 80, j’ai beaucoup peint en plein air. Au fil du temps, j’ai éprouvé le besoin d’avoir un contrôle total sur l’iconographie, j’ai donc commencé à créer mes propres paysages miniatures en atelier. C’est alors que j’ai pu construire tout le contenu symbolique à partir de zéro.

Votre touche picturale offre un rendu quasi photographique des textures et des détails. Qu’est-ce qui vous motive à peindre avec une telle précision ?

Il m’est apparu que pour transmettre pleinement le récit que j’avais en tête, je devais rendre les éléments de la peinture aussi réalistes que possible. Je veux que le spectateur ait l’impression que ce qu’il voit soit un endroit réel. Cheveux, peau, bonbons, gâteaux, tout devait avoir sa sensation propre.

Je veux que le spectateur ait l’impression que ce qu’il voit soit un endroit réel.

La dimension onirique et la gourmandise occupent une place prépondérante dans votre œuvre. D’où vient cette attirance pour cet univers ? Un goût venant de l’enfance ?

Dans les années 90, lorsque j’ai commencé à travailler avec les images utopiques de paysages de bonbons, j’étais dans une période très hédoniste de ma vie. C’était un mélange d’alcool, de drogue et de plaisir. J’ai décidé d’utiliser la métaphore de Candy Land pour décrire les choses que je vivais d’une manière qui me semblait universelle. Les bonbons sont une indulgence que nous avons tous expérimenté et comme les drogues, ils n’existent que pour le plaisir.

Dans votre univers utopique, on perçoit la beauté, la douceur, le plaisir. Comment questionnez-vous la notion du désir ? S’agit-il d’un désir imaginé ou accompli ?

Comme l’a précisé Lacan, il ne peut y avoir de désir sans manque. Ainsi, le rêve d’un endroit où les désirs sont toujours satisfait, s’auto-annulerait. Cela m’intéresse de décrire l’insatiabilité, ce sentiment de toujours vouloir plus pour que l’épanouissement réel ne soit jamais atteint – comme un état d’aspiration constante.

Comme l’a précisé Lacan, il ne peut y avoir de désir sans manque. Ainsi, le rêve d’un endroit où les désirs sont toujours satisfait, s’auto-annulerait.

Will COTTON – Ice Cream, 2009/2010 – Huile sur toile / oil painting
61 x 86,4 cm ; 24 x 34 in – © Courtesy Templon, Paris – Brussels

Dans l’exposition « Le Cowboy apprivoisé », vous alliez la figure du cowboy, symbole de liberté et de virilité à l’univers fantastique doux et innocent de la licorne rose. Que souhaitez-vous suggérer dans cette rencontre antinomique ? Un décloisonnement du genre ?

Le titre de l’exposition fait référence à la lutte entre l’hyper-masculinité et l’ultra-féminité dans toute sa complexité. Chacun semble dangereux pour l’autre, comme si leur statut était menacé par le contact de l’autre. Certaines peintures accentuent cette animosité, tandis que d’autres ont le potentiel de se comprendre et de s’accepter mutuellement. C’est le cow-boy qui accepte sa part féminine.

Le titre de l’exposition fait référence à la lutte entre l’hyper-masculinité et l’ultra-féminité dans toute sa complexité.

Cette série célèbre-t-elle une certaine richesse et opulence d’une Amérique mythifiée ? Si oui, pourquoi ?

J’aime traiter de la mythologie parce que cela ressemble à l’état parfait des choses, sans les problèmes complexes, les incohérences et les contradictions de la vie réelle. C’est une proposition et à ce titre, il est libre de célébrer des choses qui ne peuvent pas vraiment exister.

Pour vous, qu’est ce qu’un chef-d’œuvre ?

De temps en temps, je tombe sur une œuvre d’art qui continue de se déployer et de se révéler au fil du temps. Les meilleures œuvres d’art sont aussi les plus rares.

De quoi rêvez-vous à présent ?

Je rêve de pouvoir me retrouver avec des amis à proximité sans craindre la contamination.

Photo à la une : Will COTTON – Consuming folly, 2009/2010 – Huile sur toile / oil painting – 182,9 x 243,8 cm ;  72 x 96 in – © Courtesy Templon, Paris – Brussels

Exposition « Le Cowboy apprivoisé » du 28 mai au 25 juillet à la Galerie Templon – Bruxelles

J'aime traiter de la mythologie parce que cela ressemble à l'état parfait des choses, sans les problèmes complexes, les incohérences et les contradictions de la vie réelle.

Will Cotton