Portrait de Sandra Hegedüs
Portrait de Sandra Hegedüs

Sandra Hegedüs

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Philanthrope, mécène, collectionneuse d’art : toutes ces activités pourraient indiquer qui est et ce que fait Sandra Hegedüs pour l’art contemporain. Loin de se contenter d’initier des projets ou de chiner à la recherche d’objets d’exception, cette « activiste artistique », comme elle aime se définir, n’a de cesse de mettre son temps, son enthousiasme et sa passion au service de la création contemporaine. Des terres d’Afrique aux évènements les plus renommés de la scène contemporaine, le monde devient, à travers l’engagement de Sandra Hegedüs, un lieu d’échanges, de soutien, de valorisation et de partage.

D’où vous vient votre passion pour l’art ?

Ma famille est issue de la « Mitteleuropa » et est très cultivée, très atypique. Quand elle s’est installée au Brésil, où je suis née, elle a voulu reproduire tout un univers, empli de musique, de littérature, dont la culture serait au centre de tout. L’enracinement de ma passion est inscrit au plus profond de mon histoire familiale, cela me paraît donc naturel d’avoir développé une grande sensibilité pour l’art.

Vous vous définissez comme une « activiste artistique ». En quoi cela consiste-t-il ?

Cela consiste à défendre des causes, faire bouger les choses dans le domaine de l’art : que ce soit lever des fonds pour des institutions ou pour des projets spécifiques par exemple. Quand on me demande d’expliquer ce que je fais, je trouve cela compliqué à définir. Pour moi, être « activiste » ne va pas dans le sens de la revendication. Je dis que je m’active quand je mets mon temps, mes idées et parfois des ressources financières au service de l’art.

Qu’est-ce que SAM Art Projects ?

J’ai fondé cette organisation en 2009, afin de valoriser et soutenir la création contemporaine. Paris est la base géographique, le « hub ». Nous accueillons des artistes du monde entier en résidence, qui mènent à bien leurs productions. Celles-ci sont présentées tous les ans au Palais de Tokyo. Un comité choisit de remettre un prix et en 2020, nous avons récompensé la graveuse et dessinatrice tunisienne Aïcha Snoussi. Nous aidons également les artistes français qui souhaitent réaliser un projet à l’étranger, hors Europe et Amérique du Nord.

J’ai aussi à cœur de faire découvrir des scènes artistiques inconnues au comité du SAM Art Projects. Avec la pandémie, cela est plus difficile mais j’ai bon espoir que nous puissions nous rendre en Inde cette année. Cela est très important car cela permet de créer des liens artistiques sur la planète entière, d’ouvrir notre regard. Je pense à Gareth Nyandoro, un artiste totalement hors marché que nous avons fait venir du Zimbabwe. À l’heure de la mondialisation, nous ne sommes pas si connectés que ça. Si nous n’allons pas chercher ces personnes, sur des territoires où l’on croit que la création artistique contemporaine n’existe pas, leurs travaux ne connaîtront pas le rayonnement mondial qu’ils méritent.

Par ailleurs, chacun des membres du comité est très ouvert sur la création contemporaine dans sa dimension internationale, cela est un véritable bonheur de voyager ensemble pour prospecter.

Nous accueillons des artistes du monde entier en résidence, qui mènent à bien leurs productions. Celles-ci sont présentées tous les ans au Palais de Tokyo.

Outre SAM Art Projects, avez-vous d’autres engagements en faveur de l’art ?

Bien sûr ! Je suis présidente du conseil d’administration de la « Villa Arson » à Nice, qui regroupe un centre d’art, une résidence d’artistes, une école d’art et une bibliothèque spécialisée. C’est un endroit merveilleux, les bâtiments de style brutaliste en font l’un des fleurons de l’architecture des années 70.

Je suis membre du comité de la Biennale Internationale d’Art de São Paulo, ma ville natale. C’est la deuxième plus ancienne Biennale au monde, puisqu’elle a lieu depuis 1951. Cet événement très important se déroule au sein d’une œuvre architecturale d’exception, emblème du courant moderniste brésilien, conçue par Oscar Niemeyer.

J’assure également la vice-présidence de l’association des Amis du Palais de Tokyo, je suis sollicitée pour faire partie de plusieurs jurys de prix d’art contemporain internationaux et j’ai été choisi comme marraine du festival d’art contemporain de Deauville. Je ne m’arrête jamais ! Tout est très intéressant et je souhaite par-dessus tout affirmer mon engagement auprès des artistes bien sûr.

Je souhaite par-dessus tout affirmer mon engagement auprès des artistes.

Pour vous, qu’est-ce qu’un chef-d’œuvre ?

Peut-être est-ce l’œuvre qui modifie totalement la vision que nous avons de l’art. Par exemple, quand Marcel Duchamp a imaginé l’expérience spécifique du « ready-made », cela a tout changé. Il a réinventé comment se définit l’art. Pour moi, il y a un avant et un après ces créations. Il y a eu un moment où l’art a basculé et ce moment représente un chef-d’œuvre.

Je pense également à la photographie, qui n’était pas nécessairement destinée à être considérée comme de l’art, car contrairement à la peinture, elle ne peut qu’être une représentation du réel. Le bouleversement provoqué par l’apparition de travaux que personne n’avait jamais vu nécessite du temps pour reconnaître sa valeur. Les artistes précurseurs sont souvent mal vus, du fait de la dimension révolutionnaire de leur œuvre. Celle-ci fait l’unanimité plus tard, quand la société comprend à quel point il est nécessaire de changer notre regard et qu’une création a ce pouvoir extraordinaire.

Selon vous, pourquoi l’art est-il important dans nos vies ?

Je crois que si nous pouvions voir notre environnement, notre vie à travers notre éducation artistique, cela changerait tout. Et le plus tôt est le mieux pour exercer cette vision, qui peut changer notre regard sur le monde. Que ce soit dans la rue ou n’importe quel endroit, quand nous sommes éveillés à l’art, nous pouvons voir les choses autrement. Chaque objet de notre quotidien peut nous faire penser à une œuvre d’art, et plus nous nous cultivons, plus chaque chose banale peut se transformer en une chose exceptionnelle. Forts de toutes nos références artistiques et culturelles, la vie devient une fête permanente.

Je crois que si nous pouvions voir notre environnement, notre vie à travers notre éducation artistique, cela changerait tout.


Portrait de Sandra-Hegedus à la une : © Renata-Charveriat – 2018

À l’heure de la mondialisation, nous ne sommes pas si connectés que ça. Si nous n’allons pas chercher ces artistes (...) leurs travaux ne connaîtront pas le rayonnement mondial qu’ils méritent.

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