Par Fanny Revault
À tout juste 36 ans, Giacomo Sagripanti a joué dans les plus grands opéras du monde. Après des études de piano, de composition et de direction d’orchestre en Italie et en Allemagne, le musicien est rapidement invité par les grandes scènes lyriques telles que La Fenice de Venise, l’Opéra de Zurich, le Théâtre Bolchoï de Moscou, l’Opéra national de Paris, la Maestranza de Séville ainsi que par les grands festivals.
Applaudi dans le répertoire du belcanto, il dirige également de prestigieuses formations symphoniques comme l’Orchestre de la RAI de Turin, l’Orchestre Philharmonique d’Essen, le Haydn Orchestra de Trente et Bolzano, l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg. Depuis septembre 2018, le jeune italien joue La traviata et L’elisir d’amore à l’Opéra Bastille. Rencontre avec un homme passionné et déterminé depuis sa plus jeune enfance à devenir chef d’orchestre.
D’où vient votre passion pour la musique ?
Ma passion pour la musique est née quand j’étais enfant, en regardant des vidéos concerts de Monti, le dimanche à la télévision en Italie. J’ai étudié le piano et j’ai compris que je voulais être chef d’orchestre ; j’avais dix ans et j’ai, par la suite, fait des études pour pouvoir le devenir…
Quels sont vos compositeurs favoris ?
Je n’ai pas de compositeur préféré parce qu’à chaque fois que je travaille sur un ouvrage ou une symphonie, je découvre toujours des choses intéressantes dans la partition. En ce moment, mes compositeurs préférés sont Donizetti et Verdi parce que je viens de présenter La Traviata ici à Paris. Mais peut-être que je ressens un amour particulier pour Mozart qui est selon moi la perfection musicale.
Quelles sont les difficultés d’une carrière internationale ?
Il y a beaucoup de différences entre chaque pays, par leur histoire. Le niveau social du pays n’est pas le même aux États-Unis, en France, en Allemagne ou en Russie. La chose la plus difficile est de s’adapter au contexte de chaque pays, parce qu’il reflète aussi le contexte du théâtre.
Quand je viens à Paris, par exemple, il y a une façon de travailler et de répéter. On respecte un certain planning, qui n’est pas le même que celui de Moscou. Il faut alors bien comprendre le fonctionnement du système du théâtre et trouver la manière de bien y travailler. C’est toujours le plus difficile.
Qu’est-ce qui est le plus gratifiant dans la pratique de votre métier ?
Le moment le plus gratifiant, c’est la fin d’un spectacle. Quand on travaille sur un opéra, il y a cette très belle sensation d’avoir le même feeling sur le plateau et dans la fosse, de sentir une cohésion, une fusion avec tous les musiciens. En revanche, quand on travaille du symphonique, c’est différent car nous n’avons pas de chanteuse. Lorsque c’est le cas, on a le chœur ; le tout est une grande machine.
Et le chef fait le travail de coordination plutôt que la direction. C’est une belle sensation lorsque tout est en harmonie… Je pense, par exemple, au final du deuxième acte de La Traviata, c’est une peinture énorme. En tant que chef d’orchestre, je ressens une belle sensation.
Quelles sont vos expériences les plus marquantes ?
À Paris, je pense que mon expérience la plus marquante est celle où j’ai dirigé pour la première fois ; c’était à l’Opéra Garnier. Je suis monté au pied levé et sans répétition, parce qu’ils avaient eu un problème avec le chef d’orchestre. Je connaissais bien l’ouvrage, mais jouer à Paris représente un défi pour moi. Avant la répétition, j’étais très nerveux et je ne connaissais pas l’orchestre. Mais tout s’est très bien passé, et à partir de ce moment-là, on a commencé cette aventure à Paris. J’ai fait ensuite six ou sept productions à Paris depuis cette expérience. C’était un moment particulier de ma carrière. J’ai senti que quelque chose allait changer à partir de cet instant.
Pour vous, quel est le chef-d’œuvre en opéra ?
Je pense que Otello de Verdi est quelque chose de parfait, du début jusqu’à de la fin de l’ouvrage.
Selon vous, pourquoi la musique est-elle importante dans nos vies ?
C’est une belle question. La musique vous oblige à être en contact avec la part la plus profonde de vous-même. On ne porte pas de masque quand on joue de la musique. C’est quelque chose de vrai. Cela fait du bien parce qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de choses superficielles. Je ne dis pas que ce sont des choses négatives, mais on est obligés de tout vivre rapidement, sous pression ; et on n’a pas le temps de réfléchir. On a toujours moins de temps.
Je pense que la musique peut donner cette sensation d’être avec soi-même, de permettre réfléchir et de sentir des sensations intimes. On fait une profession qui est presque une philosophie de vie. Pour transmettre ça, il faut être vrai sur les podiums et sur le plateau. Et ça fait du bien. Je pense que c’est quelque chose dont on a besoin aujourd’hui…
À présent, de quoi rêvez-vous ?
Je me sens vraiment chanceux, beaucoup de rêves que j’avais se sont déjà réalisés dans ma vie. Je suis freelance, j’exerce mon métier vraiment partout. Aujourd’hui, mon rêve serait peut-être d’avoir ma place, de trouver un théâtre où j’aurais la possibilité de créer avec mon orchestre. Il faut attendre, mais ça c’est le prochain step de mon parcours, je pense.