Portrait de Éric Ceccarini
Portrait de Éric Ceccarini

Éric Ceccarini

Photographie

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Le corps féminin et ses courbes sensuelles, douces, naturelles, restent sans doute l’une des plus grandes obsessions de l’art et de la photographie. Éric Ceccarini s’en fait le chantre depuis de nombreuses années. Après une première carrière dans l’univers de la mode et de la communication, ce photographe belge, né à Bruxelles et aux origines italiennes, a su conquérir le monde de l’art, interrogeant son propre médium sur l’étude des corps, avec pour seule règle : la lumière naturelle sans artifices techniques. C’est avec « Painters Project » qu’il transcende cette approche personnelle et marque un réel tournant. Cet adepte du noir et blanc fait ici émerger la couleur. Mais pas n’importe laquelle, celle issue d’une fusion de deux visions artistiques, celle d’un ballet à trois entre un peintre, le photographe et un modèle. Cette série de clichés réunit plus de 120 artistes internationaux qui se sont prêtés à l’exercice d’une toile vivante pour la première fois. S’en dégage une ode à la beauté des femmes qui confine au pictural. Rencontre avec ce néo-esthète qui vit entre Bruxelles et Ibiza et dont les œuvres sont exposées à travers le monde.

Après votre diplôme en photographie à la fin des années 80, vous avez démarré votre carrière auprès des marques, des agences et des magazines, comme Elle, L’Oréal, Levi’s, Coca-Cola, Saab, Chopard… Comment est née cette passion car vous avez très vite privilégié la lumière naturelle ?

Elle est née dès mes douze ans, en utilisant le bon vieil Olympus de mon père. Regarder nos vacances au travers de cet appareil m’a plu instantanément. Depuis, je suis resté l’œil vissé à ce viseur. J’ai été ensuite très vite sensible à l’univers du textile et de la mode, sans pour autant être un grand consommateur. Le monde des stylistes me séduisait et, suite à cela, j’ai fait une école de photo en trois ans au lieu de quatre. Ils ont estimé que mes travaux depuis mes douze ans étaient suffisamment accomplis. Il est vrai que j’étais ce passionné qui possédait son laboratoire à la maison, développait ses bobines et effectuait ses propres tirages. Quant à la lumière naturelle, elle a toujours été d’une importance capitale. Cette appétence est venue des peintres dans les musées que je visitais avec mes parents. À Bruxelles, la plupart des expositions étaient dédiées à la peinture et non à la photographie. Ma sensibilité s’est tournée naturellement vers l’art pictural, comme la peinture flamande. J’ai aussi toujours aimé les artistes qui travaillaient en bord de mer du nord, avec cette lumière grise et nuageuse dans laquelle émerge un éclat de soleil incroyable. Toutes ces images m’ont marqué et imprimé le cerveau.

La photographie artistique est venue ensuite. J’ai été impressionné par le stylisme de Richard Avedon, Helmut Newton, Guy Bourdin pour ses couleurs, Irving Penn. J’aimais l’image à travers ces lumières naturelles auxquelles on doit s’adapter : se lever à l’aube pour profiter des premiers rayons du soleil ou gérer celle de l’après-midi en plein cagnard. Je n’ai jamais été regardant sur la marque de l’appareil et de l’objectif, car ce qui compte pour moi c’est le rendu final. En revanche, je le suis pour les tirages photo. Dès le début de ma formation, j’ai voulu travailler en laboratoire car c’est un gage de qualité pour les acheteurs et les collectionneurs. Quand j’exerçais dans l’univers de la mode et de la publicité, mes clients me contactaient souvent car j’étais l’un des seuls à utiliser le Polaroïd. Cela permettait déjà d’avoir un effet velouté, pictural, un peu à la Sarah Moon. Beaucoup d’artistes m’ont influencé par cette technique. Le Polaroïd était un procédé qui permettait d’avoir un contact immédiat avec l’équipe (mannequin, styliste, maquilleur). En travaillant au format 4/5 ou 8/10, on obtenait une grande photo comme une page A4 et la rédactrice mode pouvait se rendre le jour même à la rédaction.

Que vous inspirent le corps féminin et la photographie de nu que vous avez d’abord réalisés en noir et blanc ?

Les femmes représentent le plus beau des paysages. Je suis un contemplatif et la plus belle chose qui m’a été donnée de voir depuis que je suis sur cette Terre est le corps féminin. Les silhouettes sont reposantes, les contours me parlent. J’aimerais parvenir à créer des formes les plus harmonieuses possibles. J’ai commencé à déshabiller mes mannequins après un photoshoot pour une robe de mariée. Cette femme est venue à moi. Elle avait 28 ans, se sentait belle, au sommet de sa beauté, et avait toujours rêvé de faire du nu. Elle me l’a proposé car elle se sentait à l’aise et en confiance. L’expérience a été extraordinaire. Avec la lumière naturelle, le noir et blanc et ce magnifique corps métis, j’avais créé des images qui correspondaient exactement à ce que je voulais exprimer, voir et ressentir. Le noir et blanc amène une dimension nettement plus artistique, moins sexualisée, moins sexuelle. Je suis presque à la recherche de peintures de femmes et l’appareil photo devient mes pinceaux.

Pour « Nudes », vous explorez la sublimation, voire la surimpression, en utilisant cette lumière naturelle avec des temps de pose très lents pour en capturer l’essence et la sensualité. « Amnios » montre une silhouette diaphane qui rend sensuelles les formes de leurs corps aux limites de l’abstraction. Qu’est-ce qui a provoqué la bascule entre ces séries et vos précédentes photos de nu plus classiques ?

« Nudes » est une émanation directe des commandes d’agences de mannequins avec lesquelles je travaille, à Barcelone et à Bruxelles. Après cette première séance de Polaroïd, le modèle les a montrés à son agence qui m’a aussitôt contacté, et de nombreuses propositions ont découlé. Puis par hasard, un galeriste à Barcelone les a découverts, car sans le savoir j’avais photographié sa petite amie, et m’a proposé de les exposer. En présentant ces Nudes, il a vendu quasiment l’intégralité de mes photos. Et ce fut le déclic. Je pouvais me débarrasser de la partie commerciale pour investir totalement l’univers artistique. Et du jour au lendemain, j’ai quitté mes clients de la mode et de la publicité. Cette exposition a ensuite été vue à l’Ambassade de Belgique à Londres qui m’a sollicité pour une carte blanche dans leur espace. « Amnios » est venu instantanément après. Diriger ces modèles et voir leurs ombres presque danser à l’arrière de cette toile que j’avais tendue, tout devenait hallucinant.

Comme « Mother Nature » où les corps se fondent dans le paysage et l’environnement…

Complètement. Cette série est née à Ibiza quand je m’y suis installé. La nature est tellement belle dans le nord de l’île. J’imaginais mes modèles au milieu de cet environnement sauvage, totalement intégré dans le paysage. C’était une autre manière d’exprimer la beauté et l’esthétique féminines ; une connexion entre la femme qui donne la vie et Mère Nature. J’aime cette approche du « naturel » et l’étymologie même du mot « nature ».

Qu’est-ce qui vous anime justement dans l’acte de création ?

Quand on fait fi de la réalité, quand on la vit autrement. C’est un bonheur intense de pouvoir vivre ces moments. Je pense que c’est ma manière d’affronter l’existence avec ce côté sinistre et médiocre qui peut nous entourer. J’ai besoin d’esthétisme et je me rends compte avec toujours plus de plaisir que de nombreux collectionneurs sont en fait des collectionneuses. Cela me conforte dans ma démarche. J’aime également la rencontre avec le modèle et la manière dont je vais l’éclairer et sublimer son corps comme une sculpture grecque et romaine.

Avec « Painters Project » émerge la couleur. Cette série est une ode à la beauté du corps féminin, avec la collaboration de plus de 120 artistes peintres qui expriment leur art sur des modèles vivants. Comment est né ce projet multiculturel qui combine deux visions artistiques ?

De la série « Shade ». J’avais photographié des modèles afro-américains à peau noire sur fond noir. Capter la lumière, les formes, les silhouettes, à partir de reflets sur leurs peaux noires en contraste avec le fond noir, m’avait  beaucoup plu. Avec le temps, je me suis demandé ce qu’il manquait à ces photos : la couleur. Sans m’en rendre, j’ai commencé à réfléchir sur ce projet multiculturel. L’idée du peintre m’est apparue évidente. Un modèle en provenance d’Éthiopie ou du Sénégal va le temps d’une journée se mettre nu devant un artiste pour qu’il puisse créer une œuvre d’art sur un corps et non sur une toile foncée pour faire ressortir la couleur. Comme vous le dites, c’est une ode à la femme.

Comment choisissez-vous vos modèles et vos artistes pour travailler le vivant ?

Je connais la plupart des modèles car je suis toujours en relation avec les agences de mannequins. Pour les peintres, tout a démarré par des contacts. Au vu des premiers résultats, l’idée concrétisée s’est avérée incroyable. Je n’imaginais pas que cela deviendrait « Painters Project ». Le flash s’est fait chaque journée passée avec les artistes et les mannequins. À travers la crainte du peintre qui n’a jamais travaillé sur un corps nu, cette toile vivante, chaleureuse, émouvante. Sa nécessité de s’adapter très vite à ce changement et d’éprouver, à la fin de journée, déjà l’envie de renouveler l’expérience. À travers ces femmes, habituées au monde de la mode et de la publicité, de pouvoir vivre un moment complètement différent. Leur corps est à nouveau au service d’un photographe, mais pas d’un produit. Elles deviennent elles-mêmes des artistes. Car leur énergie est aussi importante que celle des peintres et du photographe. Les quarante premiers artistes que j’ai rencontrés via les réseaux sociaux ou les expositions émanaient de ma démarche. Le projet a ensuite circulé car chaque photo porte le nom du peintre. Le bouche-à-oreille a porté ses fruits et aujourd’hui ils viennent à moi. La pandémie m’a fait perdre énormément de temps, mais une soixantaine d’artistes m’ont contacté ces huit derniers mois. Il y a une véritable émulsion avec des gens très sensibles qui ont envie de participer à cette aventure.

Vous dites souvent refuser le body painting. Pour quelles raisons et comment définiriez-vous votre art ?

Je veux me mettre au service du peintre et du modèle. Beaucoup oublient d’ailleurs qu’il y a un photographe à l’origine de ce projet. La technique du body painting est incroyable et j’ai beaucoup de respect pour ceux qui les réalisent, mais cela ne me fait pas vibrer. Il n’y a pas de notion suffisamment artistique pour moi. Je ne m’adresse d’ailleurs pas aux body painters mais à des peintres qui n’ont jamais travaillé le vivant, pour les sortir de leur quotidien, de cette manière académique de restituer un modèle sur une toile. Ici, il ou elle va utiliser ses pinceaux pour peindre à même ces corps, tout en gardant son identité propre. Je veux par exemple qu’un artiste de l’abstrait en noir et blanc parvienne à reproduire sur le corps d’une femme une peinture en noir et blanc abstraite. La différence émane du support.

Comment se décompose tout ce travail artistique, photographique et de mise en place dans l’espace de création ?

Je reste le capitaine du navire avec ma méthodologie que j’annonce dès le départ. Je laisse ensuite toute liberté, toutes les possibilités. Je n’interviens pas pendant la séance de création, je documente ce moment en le filmant et en le photographiant. La partie making of est d’ailleurs très intéressante. Je demande également toujours à mes modèles de bien se crémer la peau en amont avec des laits protecteurs que je fournis. Certains artistes ont été très rapides à l’exécution : 20 minutes pour Jeanlouis Boccar. Et c’est l’une des photographies abstraites les plus incroyables du projet. D’autres ont mis 7-8 heures pour exprimer leurs idées. Mais il est important de se placer dans le contexte du modèle. Elle est nue et doit rester stoïque, calme, patiente. Elle ne peut pas bouger, ou très peu, car dès qu’elle plie les jambes, les bras, les doigts, ou qu’elle fléchit les genoux, la peinture peut craqueler. Certaines craquellent volontairement, offrant des résultats très intéressants. Au bout de ces longues heures de patience, elle doit également me donner 100 % de son énergie pour obtenir une belle photo. Le rapport entre nous trois est vital et important. Nous sommes des professionnels, nous savons ce que représente une séance artistique.

Quelles sont les matières et les peintures utilisées ? Pouvez-vous nous conter quelques exemples ?

Le sculpteur Bernard Delsemme est venu au studio avec 20 kilos de terre et a recouvert le corps du modèle jusqu’à deux centimètres à certains endroits. Il a fallu ensuite que celle-ci sèche et craquelle pour qu’il puisse peindre. Alex Ffion Barrington en a fait de même. Cette peintre de Brighton, en Angleterre, a pris de la terre directement dans mon jardin, des épices et des morceaux de copeaux de bois pour les coller sur le mannequin avant d’injecter de la peinture.

Sophie Coucke travaille les matières sur toutes sortes de supports mais jamais sur le vivant. Elle a proposé plusieurs solutions dont celle avec les feuilles d’argent qui a fait l’unanimité. Pas question d’utiliser des colles, elle a mouillé le corps et, avec un gros pinceau, a fait tenir tous ces petits morceaux de feuilles d’argent de 10 cm sur 10. Dès que le modèle respirait ou pivotait, les feuilles se détachaient. Ce fut une séance à l’arrache mais le résultat est fantastique.

Fernando Canovas est à l’origine de celle appelée « Splash », l’éclaboussure géante. Le modèle a reçu un litre et demi d’un mélange de lait, de peinture blanche et de silicone pour rendre le liquide plus épais. Ce splash a été répété une cinquantaine de fois sur la journée. L’œil humain est incapable de capturer ce moment précis, j’ai donc travaillé en rafale avec mon boîtier, de 4 à 5 images / seconde. Dès qu’il envoyait son bol de liquide, elle avait le réflexe de fermer les yeux et de faire basculer son corps, il a dû la tranquilliser. Ce splash est réussi car il prend la forme d’une robe Chanel, exceptionnelle et magnifique. On le ressent d’autant plus au format photo d’1 m 60 ou de 2 m 10. Le mannequin est réellement habillé de peinture, sans aucune retouche.

Ileana Mariotto fait du collage à partir de petits morceaux de papier, qu’elle déchire dans les magazines, et reproduit des visages de personnalités du monde des arts. Elle réalise également des œuvres d’anonymes qu’elle rencontre au cours de ses voyages. Sa technique est très intéressante. Elle a réalisé deux œuvres dont celle de Frida Kahlo.  Elle n’a utilisé aucune peinture, si ce n’est de la colle. Il a fallu en chercher une non toxique pour les êtres humains qu’on a trouvé chez les maquilleurs d’effets spéciaux dans le monde du cinéma. Brigitte Nataf a quant à elle voulu créer son propre fond noir. Elle est donc venue avec quatre énormes toiles qu’elle a peintes sur le même motif que le modèle. Le fond est à 3 ou 4 mètres derrière et apparaît complètement flou sur la cliché, donnant une profondeur et un relief incroyables.

Un autre exemple, Denis Meyers. Il est connu en Belgique pour avoir rempli 25 000 m2 de mur dans les bâtiments emblématiques Solvay à Bruxelles. On s’est dit que ce serait une très bonne idée de réaliser une œuvre dans une des pièces qu’il n’avait pas encore peintes. Il a utilisé deux sortes de bombes : une pour écrire en fond et une à l’acrylique pour continuer ses mots sur le corps du modèle. L’ensemble fait ainsi partie intégrante. Paul Raynal a eu une idée similaire avec un esprit pop art. Il a collé des centaines de photocopies et de papiers sur les murs et le mannequin.

Tous les genres picturaux m’intéressent, je ne veux pas me limiter à un art spécifiquement. J’espère pouvoir à terme coucher toutes ces œuvres photographiées dans un livre et raconter ces histoires. Car après les séances, je leur demande toujours d’exprimer leur ressenti et cette envie qu’ils ont eu de participer à ce projet enthousiaste et bienveillant, positif et multiculturel.

Sont-elles uniquement conçues en intérieur ?

En règle générale, les séances se déroulent dans mon studio au sein de ma finca à Ibiza. C’est un patio, une grande cour intérieure. Le soleil s’invite et le vent s’engouffre constamment. Je dois toujours m’adapter à la lumière que l’île me donne. J’ai choisi de m’installer ici car je peux travailler 350 jours par an ; il pleut rarement, la lumière est magnifique, les ombres sont extrêmement saturées. Ma matière première en énergie est ce soleil tout-puissant. J’ai beaucoup voyagé à travers la planète mais à Ibiza, tout est lumière. En janvier, juin ou novembre, cette saturation de couleur permanente, avec cette terre rouge, m’a facilité la tâche en tant que photographe. Tout incite à la créativité, à la création. J’adore aussi cet endroit pour les vibrations qu’il dégage et c’est l’un des rares sur la planète où les gens ne s’attardent pas sur le nudisme pratiqué sur la plage. Ce culturalisme et cette ouverture d’esprit font vraiment du bien. J’y suis depuis 2014 de manière constante. Les artistes adorent y venir. Et si certains préfèrent créer ailleurs, je m’organise, sachant que je ne travaille jamais en lumière artificielle.

Vos modèles sont pour la plupart noirs. Est-ce un choix délibéré, une préférence artistique ?

Comme « Painters Project » est une émanation de « Shade », donc fond noir et modèle à peau noire, le concept se poursuit, mais je propose différents mannequins aux artistes. Dans neuf cas sur dix, ils se tournent instinctivement vers une peau noire. On passe instantanément dans une dimension plus artistique, c’est fascinant. Je m’éloigne de l’aspect érotique ou de cette nudité plus crue. Leur peau est magnifique, lisse, gracieuse, tant au niveau de l’ossature que des courbes dans le dos et de la musculature. Elle est complètement différente d’une peau caucasienne, blanche, européenne. Le corps se prête mieux à être une toile.

Le grand format reste-t-il également important pour ajouter à la puissance de toutes ces femmes ?

Absolument. J’aime les grandes œuvres d’art, cela fait partie intégrante du choc émotionnel. Aussi parce que ces peintres ont consacré un temps important pour les réaliser. En général, je travaille en trois tailles, la plus grande étant 1 m 40 sur 1 m 10. Mais certains clients préfèrent avoir des œuvres de 4 mètres de haut et de large. Les photos que je vends le plus souvent aux collectionneurs font 1 m 10 sur 1 m 60. Et en galerie, le 80 sur 70 cm reste le plus courant pour les appartements parisiens. Les tarifs varient ensuite en fonction de la paie et de l’édition.

Pourquoi l’art est-il si important dans nos vies ?

C’est mon plus grand bonheur après ma famille et mes amis. C’est une manière de vivre la vie, notre passage sur cette planète, avec des émotions, que la platitude de nos journées qui se succèdent n’apporte pas. C’est une expression exceptionnelle qui nous différencie des bêtes, nous permet d’exprimer des choses intangibles. C’est ce qui nous fait pleurer, rire, aimer. J’en ai absolument besoin, cela fait partie de mon équilibre. Ce qui s’est passé avec la culture pendant la pandémie, c’est faire fi d’un des piliers qui constitue l’être humain.

Quels sont vos projets ?

Je poursuis mes différentes séries en noir et blanc, comme « Rooms », « Sculptures » et « Mother Nature », car elles ne sont jamais arrêtées. Pour « Painters Project », j’ai deux expositions permanentes à la galerie Ewa Helena à Hambourg et à la galerie Leonhard à Anvers. Généralement, je travaille sur le long terme avec les espaces culturels, mes œuvres sont donc toujours exposées, même si elles sont déplacées dans une autre pièce à l’occasion d’un solo show d’un autre artiste. J’estime qu’il est important pour les collectionneurs de toujours être au contact des œuvres. Je privilégie ce type de collaboration. L’art doit se partager, et se partager longtemps, ce n’est pas que de l’instantané.

Dans les expositions à plus long terme, j’ai un solo show qui démarre le 3 juillet à la Ten galerie à Knokke-le-Zoute, une petite station balnéaire très chic. C’est un peu le Deauville de la Belgique, avec de belles villas, des petits châteaux en bord de mer. C’est aussi un endroit très prisé par les galeries d’art. Puis un autre à New York, de novembre 2021 à janvier 2022, où je vais occuper l’ensemble de deux galeries : L’atelier et Fremin, dirigée par deux Français. Je participe également à l’événement Photo City à Bruxelles, du 17 juin au 12 septembre, où je vais exposer plus de 180 photos « Painters » au sein d’un container. C’est la première fois que le public pourra découvrir la totalité de la série. La galerie Hegoa, à Paris, a également prévu de présenter certains clichés à l’automne.

Et plus largement, j’ai des rêves géographiques. J’ai envie de partir à la rencontre d’artistes à bord d’un van sur le continent africain et asiatique. Je l’ai déjà fait aux Seychelles et à l’île Maurice. Je trouve le concept absolument dingue. Je m’imagine comme Irving Penn avec son studio mobile, qui serait fait d’une toile noire et blanche, me permettant de voyager et de rencontrer les artistes directement sur place. Je deviendrais ainsi plus itinérant. J’ai également très envie de me rendre sur le continent nord-américain et dans des lieux moins lumineux, moins évident, d’être plus en porte-à-faux. En 35 ans de carrière, je pense avoir cette capacité d’adaptation par rapport à la lumière.

Site de Painters Project
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Le noir et blanc amène une dimension nettement plus artistique, moins sexualisée, moins sexuelle. Je suis presque à la recherche de peintures de femmes et l’appareil photo devient mes pinceaux.

Éric Ceccarini