
Par Fanny Revault
Connue pour ses installations spectaculaires exposées dans le monde entier, Chiharu Shiota explore son art comme des espaces psychiques. Ses célèbres œuvres où des fils de laine rouges et noirs tissent une trame complexe, souvent entremêlée d’objets évocateurs flottants dans l’espace, reflètent les enchevêtrements de nos pensées et états d’âme. Chaque installation conçue comme un microcosme enveloppe le regardeur et fait résonner les notions de temporalité, de rêve, de pensées et de mémoire. Combinant installations, performances, art corporel, son art protéiforme continue de fasciner par sa force onirique. Rencontre éclair à la galerie Templon.
Comment vous est venue cette nécessité de créer ?
Mes parents possédaient une entreprise fabriquant des caisses à poissons à Osaka. Je n’aimais pas la vie qu’ils vivaient. L’usine était toujours agitée… À huit heures du matin, on entendait le bruit des machines, les employés se mettaient au travail et les appareils fonctionnaient jusqu’à six heures du soir, produisant mille boîtes de bois par jour.
J’ai su très tôt dans ma vie que je voulais me diriger vers l’art, parce que j’étais à l’opposé de la vie de mes parents. Ils travaillaient comme des machines. Je détestais cette façon de vivre, je détestais l’usine elle-même. Je voulais poursuivre quelque chose d’épanouissant qui me satisferait dans un sens spirituel. L’art était ma vocation.
D’origine japonaise, vous vous installez en Allemagne à la fin des années 90. Comment votre héritage culturel japonais a-t-il influencé votre processus artistique en Europe ?
Lorsque je vivais au Japon, je ne pensais pas vraiment à mon héritage japonais. Mais quand j’ai déménagé en Europe, je fus confronté à mon héritage comme jamais auparavant.
Je rencontrais et travaillais avec des personnes venues des quatre coins du monde. J’ai commencé à être consciente de mon identité culturelle. Cependant, je me suis sentie prise au piège. Quand j’expose mon art en Europe, je suis présentée comme une artiste japonaise, mais quand je montre mon travail au Japon, je suis considérée comme une artiste européenne. Je préférerais être vue comme Chiharu Shiota : une artiste sans étiquette.
Vos célèbres installations de fils de laine tissent une trame complexe, reflet de nos états d’âmes et des enchevêtrements psychiques, qui interroge le regardeur. Par ces environnements immersifs, que voulez-vous provoquer, susciter chez le public ?
Je suis particulièrement intéressée par la communication humaine. C’est fascinant de voir comment nous avons développé la conscience et sommes capables d’interagir les uns avec les autres, mais nous avons hélas encore beaucoup de mal à le faire. Nous avons des liens émotionnels profonds avec nos partenaires, parents et enfants, mais nous avons encore du mal à nous comprendre pleinement. Notre compréhension de nos sentiments et de nos pensées reste limitée. Je veux transmettre cette réflexion dans mes installations et inciter le spectateur à méditer sur sa façon de communiquer lorsqu’il observe mon art.
Dans votre parcours, y-a-t-il eu un moment charnière qui a provoqué un changement dans votre façon de créer ?
En 2005, on m’a diagnostiqué un cancer de l’ovaire ; cela a beaucoup influencé mon art. Avant le diagnostic, je ne peignais plus. Mais après, je me suis remise à peindre et j’ai créé un nouvel art.
Vous combinez performances, art corporel et installations dans un processus qui place en son centre le corps. Quel est l’artiste qui a influencé votre art ?
J’admire beaucoup Ana Mendieta. Elle m’a influencé lorsque que j’ai commencé à étudier l’art au Japon. Je me sens très connectée à son travail et au concept de relation du corps avec l’univers.
Selon vous, où se situe l’art dans le travail d’un artiste ?
C’est une question très facile à poser mais difficile à y répondre. Je ne crois pas être capable d’y répondre, je pense que c’est pour ça que je crée…
Pourquoi l’art-il est important dans nos vies ?
Grâce à l’art, nous pouvons réfléchir davantage sur nous-mêmes. Une image, un dessin et l’art en général peuvent souvent exprimer plus que des mots. C’est le sens de l’expression qui aidera les gens à mieux se connaître et à mieux comprendre les autres.
A Key in the Hand, 2015 PAVILLON JAPONAIS, 56ÈME BIENNALE DE VENISE, ITALIE © Chiharu Shiota. Photo Sunhi Mang.
Accumulation: Searching for Destination, 2014-2016 INSTALLATION DE VALISES SUSPENDUES AVEC MOTEURS DIMENSIONS VARIABLES VARIABLE DIMENSIONS VUE DE ART BASEL UNLIMITED 2016 © Chiharu Shiota. Photo Sunhi Mang.
Letters of thanks, 2014 ESPAI, CASTELLÓ, ESPAGNE © Chiharu Shiota. Photo Wanna Filmmakers
House, 2013 INSTALLATION : FILS NOIRS, MAISON EN BOIS, AMPOULE DIMENSIONS VARIABLES DIMENSIONS VARY © Chiharu Shiota. Photo Isabelle Arthuis.
State of Being (Mirror), 2015 ARMATURE EN MÉTAL, MIROIR ET FIL NOIR 93 X 120 X 74,5 CM 36 5/8 X 47 1/4 X 29 3/8 IN. © Chiharu Shiota. Photo Sunhi Mang.
In Silence, 2002-2013 FILS DE LAINE NOIRE, PIANO À QUEUE ET CHAISES BRÛLÉS DIMENSIONS VARIABLES DIMENSIONS VARY VUE DE ART BASEL UNLIMITED 2013 © Chiharu Shiota. Photo Dirk Wetzel
State of Being (Keys), 2015 ARMATURE EN MÉTAL, CLEFS ET FIL ROUGE 148 X 58 X 60 CM 58 1/4 X 22 7/8 X 23 5/8 IN. © Chiharu Shiota. Photo Sunhi Mang.
Infinity, 2011 FILS DE LAINE NOIRE, AMPOULES, ÉLECTRICITÉ / BLACK WOOL THREADS, LIGHT BULBS, ELECTRICITY DIMENSIONS VARIABLES / DIMENSIONS VARY VUE DE L’EXPOSITION « INFINITY », 7 janvier – 18 février 2012, Galerie Daniel Templon, Paris © Chiharu Shiota. Photo B.Huet-Tutti
Night Sky IV, 2017 FIL BLANC SUR TOILE GRISE 200 X 140 CM 78 3/4 X 55 1/8 IN. © Chiharu Shiota. Photo Sunhi Mang.
Sleeping is like death, 2016 FIL NOIR ET LITS EN MÉTAL DIMENSIONS VARIABLES VARIABLE DIMENSIONS VUE DE L’EXPOSITION « SLEEPING IS LIKE DEATH », Galerie Daniel Templon Bruxelles, 14 janvier – 20 février 2016 © Chiharu Shiota. Photo Isabelle Arthuis.










Site officiel
Galerie Templon
Instagram