Portrait de Michael Lellouche
Portrait de Michael Lellouche

Michael Lellouche

Curateurs

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L’Exposition « Get Up, Stand Up » présentée au MIMA à Bruxelles retrace l’histoire des affiches contestataires, créées d’une part par les mouvements étudiants et ouvriers de Mai 68 en France, et d’autre part par des manifestations aux États-Unis contre les inégalités et la guerre. Une lutte incessante pour plus de liberté et de justice. Cinquante ans plus tard, cet univers graphique porteur d’espoir n’a rien perdu de sa force et résonne encore dans notre actualité. Rencontre avec Michael Lellouche, commissaire de l’exposition.

Quel est votre parcours ?

J’ai un parcours un peu atypique, j’ai fait une école de commerce alors qu’adolescent, mon rêve était de devenir écrivain mais ma famille m’a orienté vers l’école de commerce. À un moment donné, j’en ai eu assez de ce que je faisais, je voulais vraiment m’investir dans l’art et l’écriture et je suis devenue scénariste.

Comment en êtes-vous arrivé à vous passionner pour l’univers graphique des affiches ? Que représente, pour vous, ce medium ?

J’ai développé un goût pour l’affiche et pour le graphiste vers l’âge de vingt-cinq ans et je me suis mis à collectionner les affiches parce que l’affiche est, pour moi, vraiment la trace de quelque chose qui a existé mais qui n’existe plus. L’affiche est une trace éphémère, elle n’est pas faite pour durer mais pour avoir une action très simple. C’est un véritable outil que nous pouvons, maintenant regarder, déterrer ; c’est donc une trace archéologique. Cette idée de l’archéologie est finalement un truc qui remonte à l’enfance, ce désir de fouiller la terre et de retrouver une trace et de raconter l’histoire à partir de cette trace… Cela est resté et je me suis dis qu’on pouvait raconter des choses, des évènements à travers les pièces qui étaient restées.

Les affiches de mai 68 ont laissé des traces… et vous racontez bien l’histoire de ces mouvements contestataires à travers elles dans “Get up Stand up”. Pouvez-vous nous présenter le parcours de cette exposition ?

L’exposition s’articule autour d’une dizaine de pièces sur quatre étages, c’est assez grand, 1200 m2, nous avons plus de 400 affiches sur les murs. On entre à travers une frise chronologique qui est assez longue (8m de long) qui permet de voir tous les évènements qui se sont déroulés entres 68 et 73 partout dans le monde. On replonge historiquement dans les mouvements qui ont dessiné “SO ET SME” cette période.

On arrive dans une première pièce qui contient les ateliers populaires ; on voit tout ce qui a été produit en sérigraphie dans les ateliers populaires à Paris aux Beaux-arts ainsi a la fac de science et aux Arts décoratifs.

On passe dans une autre pièce qui est dédiée à la répression donc au rôle et à la figure du flic, du gendarme, du CRS même du militaire, bras armé du pouvoir qui décidait de réprimer fortement ce qui était nouveau, au moment où la jeunesse descendait dans la rue pour exprimer son mécontentement.

On arrive ensuite dans une pièce centrale qui se situe au centre du musée qui est consacré à la guerre du Vietnam. Là, on constate que cette guerre dure huit ans ; elle a duré énormément de temps, ça été une obsession mondiale. Toute la jeunesse résonnait contre cette guerre là et aux États-Unis, la moyenne d’âge des jeunes garçons était de 19 ans pour ceux qui partaient au front. Cette jeunesse ne voyait pas leur avenir et n’a cessé de se battre contre cette guerre, jugée complètement absurde.

On monte au dernier étage et on arrive dans une pièce où se trouve une œuvre de Julio Leparc, une sorte de forêt de sacs de frappe de boxe qui représentent toutes les figures d’autorités qui peuvent nous écraser, nous, hommes de la rue. On peut donc se défouler et frapper sur des militaires, des professeurs, des journalistes, des intellectuels, des artistes et même la figure du père donc, c’est très psychanalytique…

Puis on passe à une pièce consacrée à l’égalité d’une manière générale. On y voit les différents grands aspects de l’égalité, c’est-à-dire les luttes des minorités ethniques, les afro américains aux États-Unis, la continuité des mouvements des droits civiques, les ouvriers, les droits des indiens et un mur entier consacré aux nouveaux féministes ; à la libération des femmes, la reprise de contrôle de leurs corps à travers la demande de contraception, le droit d’avortement et aussi tous les droits liés au travail.

Une autre pièce de respiration “Black Light” ressemble à une boîte de nuit. C’est une salle en lumière noire avec des affiches qui sont littéralement fluorescentes car elles contiennent du phosphore. Elles sont extrêmement représentatives d’une époque du côté « peace and love », le psychédélisme, le côté carpediem, c’est-à-dire, on fait l’amour et on ne sait pas vraiment où on ira demain : est-ce qu’on va recevoir son papier pour aller au front ? L’amour, les drogues, la musique; c’est tout ce qu’on ressent dans cette pièce là, sombre et mais en même temps très lumineuse.

L’avant dernière pièce est consacrée à la liberté à travers un panorama mondial de toutes les luttes contre pour la liberté, la fin du communalisme, toutes les luttes contre les dictatures. Là, on a une résonance extrêmement internationale et on comprend que sur la planète, c’était pas la paix et la démocratie qui régnait en maitre à cette période-là…

Dernière salle, l’écologie, est aussi une très grande prise de conscience de l’époque. L’écologie est née officiellement le 29 décembre 1968 lorsque la mission Apollo 8 qui explore la surface de la lune prend cette photo du lever de terre ; première photo en couleur de la terre. Ça a ému la planète entière quand elle est sortie dans la presse. À partir de ce moment-là, tous les mouvements écologistes ont éclos.

Comment, selon vous, les nouvelles générations approchent et ressentent ce tournant de l’histoire du XXe siècle ?

Il y a une forme de nihilisme et de défaitisme ambiant qui est assez fort dans les nouvelles générations qui se marquent parfois même par de l’indifférence, du désintérêt, tout simplement, à tout. Il y a aussi une vision nostalgique des choses qui dominent avec, peut être, le rock and roll des années 60/70 etc…

Les luttes des années des 60/70 résonnent encore dans notre actualité… Quel est le message fort que vous souhaitez véhiculer ?

J’ai voulu montrer que la société d’avant, était bien pire que celle d’aujourd’hui. On revient de très loin… La société ne s’est pas améliorée, les lois et les droits n’ont pas été donnés aux gens spontanément, comme ça, par magie… Non. Les gens se sont battues pour améliorer le sort des minorités, le sort des femmes, le sort de la planète et bien d’autres choses comme le sort des ouvriers, des employés au sens large.

C’est parce que des gens sont sortis dans la rue, ont pacifiquement manifesté ou exprimé leurs voies que des choses se sont alors produites et des droits sont tombés ; le sort de l’ensemble de l’humanité s’est donc amélioré. C’est pour cela que l’exposition s’appelle “Get up Stand up”. Les affiches qui ont changé le monde ! Donc on peut changer les choses : c’est le message. Si on décide de changer le sort des gens, ont peut le faire.

L’affiche est une trace éphémère, elle n’est pas faite pour durer mais pour avoir une action très simple. C’est un véritable outil que nous pouvons, maintenant regarder, déterrer ; c’est donc une trace archéologique.

Michael Lellouche