

Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ?
Par Fanny Revault

Fanny Revault, directrice de la rédaction
Une œuvre d’art est une création de l’homme doué de sensibilité. Elle se révèle sous quatre éclairages complémentaires : esthétique, technique, sémantique et universel.
- L’esthétique. Affranchie des canons de « La Beauté » recherchée pour elle-même, l’esthétique est aujourd’hui plurielle et s’affirme comme telle : l’œuvre se nourrit de la licence artistique de son auteur, le dépasse, le submerge. Elle échappe à la volonté de son créateur pour devenir un objet en soi, une entité autonome qui n’appartient plus qu’à elle-même. Elle se donne à voir. Révélant au spectateur le mystère de ses replis ombreux, l’évidence de ses plages de lumière, dans lesquels il s’abîme avec délectation. Là est l’esthétique, qui entre en résonance avec la psyché. Le beau est le fruit de cette rencontre.
- La technique. Longtemps l’art et l’artisanat ont vécu en étroit voisinage. Le tisseur et les entrelacs changeant de la moire ou le peintre et le chatoiement opulent de la pourpre cardinalice se nourrissaient des mêmes moyens: la main maîtrisant la matière. Seul l’artiste porteur d’une ambition supérieure élevait l’œuvre vers l’immatériel. L’artisan tissait la moire, l’artiste élevait son sujet dans la lumière divine. Aujourd’hui l’art s’affranchit de tout lien de subordination à la matière, l’œuvre elle-même s’éloigne du support pour n’exister parfois que par sa numérisation. Ni la main, ni la matière, ne sont plus consubstantielles à l’œuvre, pure expression de l’esprit, qui flotte ici et là comme le sourire du chat d’Alice.
- La sémantique. L’artiste est porteur d’un projet, articulation d’idées qu’il ambitionne de représenter, d’exprimer, dans sa pure singularité. Par l’exécution de l’œuvre-la syntaxe- se révèle le réseau d’idées qu’elle tend à exprimer -la sémantique- ainsi l’art est langage. Mais ce langage n’est pas univoque : le couple signifiant/ signifié, comme le langage poétique, ne s’adresse pas à la raison. Il ne révélera toute son étendue que dans l’alchimie bouillonnante avec la passion, la sensibilité aiguisée par la culture de ceux qu’il rencontrera. L’art est une sémantique, tel une bouteille à la mer, en instance de révélation.
- L’universalité. L’œuvre d’art ignore le temps et l’espace. Les bambous de Xu Wei dans leur confondant dépouillement, sont de même essence que les plantureuses naïades de Rubens. Les unes et les autres s’adressent aux humains, les séduisent, les subjuguent, les élèvent. Toutes les religions ont utilisé l’art pour rapprocher la multitude de la notion de divin. Ce dépassement de l’âpre condition humaine, c’est l’idée du beau qui se révèle et ouvre les chemins de la transcendance, à laquelle aspire l’humanité.
L’esprit, ce n’est pas la subjectivité dans ce qu’elle a de particulier, d’arbitraire, d’aberrant, de relatif à un seul individu. Tant qu’une œuvre est prisonnière d’une particularité empirique, d’une mythologie personnelle, elle n’intéresse que peu de monde. Lui manque une certaine manière d’élever une expérience à l’universel. Car l’esprit, c’est la dimension de l’universel. Hegel
Xu Wei, « Les bambous ».
Penone Giuseppe – Arbres – 2003 – musée de Grenoble
Petrus Paulus RUBENS, « Le Débarquement de la reine à Marseille, le 3 novembre 1600 ».
Roger Somville, « Manifestante pour l’Universalisation de tous les Droits humains », 1990, Collection Michael Guttman




C'est dans l'Art que l'homme se dépasse définitivement lui-même