Image de Etel Adnan, l’éloge de la nature 
Image de Etel Adnan, l’éloge de la nature 

Etel Adnan, l’éloge de la nature 

Par Fanny Revault

La peintre et poétesse Etel Adnan s’est éteinte en novembre dernier à l’âge de 96 ans. Pour Chaumet et le livre d’exposition Végétal, elle a créé l’une de ses dernières œuvres durant l’été : un leporello coloré aux motifs botaniques, comme ode à la nature. Hommage à une artiste complète dont le travail demeure à la fois humble et grandiose.

Née à Beyrouth en 1925, d’une mère grecque et d’un père syrien, Adnan grandit à la croisée de deux mondes, l’Orient et l’Occident et mène sa vie entre le Liban, les États-Unis et l’Europe. S’orientant d’abord vers des études de philosophie avant d’enseigner cette discipline en Californie de 1958 à 1972, la jeune femme commence parallèlement à peindre et à écrire. L’amour pour la nature et ses couleurs guidait son pinceau et sa plume.

Cet amour premier est né au Liban où se mêlent le puissant parfum du jasmin à celui plus subtile de la fleur d’oranger. Dès son plus jeune âge, Adnan est fascinée par la beauté des étés à la montagne et fortement imprégnée par ses éléments naturels avec lesquels elle ne semblait faire qu’un. À Laure Naimski, pour L’Inventaire, elle confiait : « La nature et nous formons un tout. Ce n’est pas une idée philosophique chez moi. Je le sens. J’en suis consciente. Je suis très proche de ce monde-là. Enfant, à Beyrouth, je me souviens que ma mère m’asseyait seule dans le jardin. Je parlais aux fleurs, aux animaux. C’était mon monde ». Le Liban de son enfance était son jardin. 


Plus tard, la découverte du mont Tamalpaïs, lorsqu’elle s’installe à Sausalito près de San Francisco dans les années 1970, marque un tournant décisif dans sa vie. Contemplative, émerveillée, elle observe tous les jours depuis sa fenêtre la végétation de cette montagne. Adnan débute un travail pictural obsessionnel de ce point de vue : ainsi commence un dialogue fécond entre art et nature. Le mont Tamalpaïs était devenu son sujet de méditation, sa source d’inspiration, comme la Sainte-Victoire le fut pour Cézanne.

Composée principalement de petites huiles sur toile, de dessins au fusain et à l’encre de Chine ou encore de « livres-accordéons » dits leporellos, qui ressemblent à des sculptures de papier, l’œuvre picturale d’Etel Adnan mêle parfois dessin, écriture et poésie, dont la nature est le sujet de prédilection. Paysage, horizon, colline, ciel, soleil, fleur, épi de blé, feuille… Par la contemplation, elle cherche à saisir l’intensité, l’énergie, la vibration qui émanent de ce qui l’entoure. Ses peintures sont des matérialisations directes d’une émotion face à une nature florissante.

Dans la plus grande simplicité, la peintre applique des plages de couleurs franches, travaillées au couteau ou à la spatule, sans jamais les mélanger. Une singulière énergie, vibrante et joyeuse naît de sa palette vive et de ses aplats. Derrière l’humilité de son trait, proche de la candeur enfantine, elle dit la magnificence de la nature, la puissance germinative et le surgissement de la vie. En témoigne son leporello inédit pour Chaumet, qui figure avec une poésie touchante des espèces botaniques parmi lesquelles une courge et des algues. Semblable à un haïku, une respiration, une note harmonieuse, chacun de ses motifs isolés est une célébration du vivant.



CHAUMET
Article publié dans « Rendez-vous » Chaumet N°6




Exposition du 16 juin eu 4 septembre  2022
Beaux-Arts de Paris
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